mardi 9 décembre 2008

L'enseignement de la philosophie

« Nous n'avons pas retenu votre candidature pour le poste d'enseignant parce que vous semblez accorder plus d'importance à la pédagogie qu'à la philosophie. »

C'est l'explication qu'on a fournie à un candidat pour le poste d'enseignant de philosophie dans un cégep à la suite d'un comité de sélection. Wow! La pédagogie serait-elle suspecte?

Cette remarque rejoint une autre phrase entendue lors de rencontres provinciales des coordonnateurs des départements de philosophie : « L'approche par compétences est dangereuse, car elle dilue la matière (le contenu proprement philosophique des cours) au profit d'habiletés génériques telles que critiquer, analyser, comparer, etc. Cela ouvrira la porte à n'importe quel enseignant qui va pouvoir prétendre donner des cours en atteignant ces objectifs, quelle que soit sa formation universitaire. »

La philosophie pour la philosophie, ce serait une fin en soi? Au collégial, en 2008, l'enseignement de la philosophie devrait coller aux textes quasi sacrés de la tradition gréco-latine, parce que si l'on s'en éloignait, on risquerait de diluer la matière?

Pour résister au courant qui remet en question l'avenir de l'enseignement obligatoire de la philosophie au collégial tous les dix ans, isolons-nous dans notre tour d'ivoire. D'accord, à la rigueur, on peut bien établir quelques liens avec l'actualité, voire donner à lire d'autres textes que ceux de Platon et de Descartes, mais replions-nous sur la spécificité de notre discipline : l'étude de textes de philosophes reconnus, l'analyse de leurs textes, l'explication de leurs textes, la critique de leurs textes afin d'aboutir à une dissertation philosophique dans les formes statufiées par la tradition.

Ce n'est pas que le passé vénérable de la philosophie devrait être suspect, mais la pensée n'évolue-t-elle pas avec la société et l'avancement des sciences et des savoirs? Et pour que l'enseignement de la philosophie à des jeunes de 17 à 19 ans soit attrayant, vivant et dynamique, les enseignants ne devraient-ils pas s'intéresser davantage à la pédagogie, à la réalité des jeunes, à la société dans laquelle ils évoluent, aux avancées technologiques et scientifiques et, surtout, utiliser tous les moyens à leur disposition afin d'agrémenter leurs cours?

L'argument massue du nivellement par le bas, qui consiste à dire que rendre les cours plus attrayants c'est nécessairement diminuer les exigences, témoigne d'une conception judéo-chrétienne de l'enseignement. On doit travailler dur pour mériter son paradis. De la même façon, les élèves doivent trimer fort afin d'atteindre la note de passage. Facilité rime avec luxure et péché. Plus un cours est difficile, meilleur il est.

Bizarrement, les enfants apprennent davantage en s'amusant. Apprendre, pour eux, est un plaisir. Pourquoi vouloir dissocier plaisir et apprentissage? Ce n'est pas parce que des concepts, des notions et des savoirs sont abstraits et difficilement atteignables qu'il faut nécessairement souffrir pour les acquérir. On peut enseigner le théorème de Pythagore de façon amusante. De même pour l'allégorie de la caverne.

À force de protéger l'enseignement de la philosophie en se rabattant constamment sur la tradition et les traditionnelles méthodes magistrales d'enseignement, on risque de se couper du monde et de devenir obsolète. Une matière morte, comme une langue morte. Enseigner le latin pour le latin, parce que cela constituait une bonne formation de base et facilitait l'apprentissage du français, n'a pas protégé l'enseignement de cette discipline.

Rappelons-nous que ce sont les jeunes qui ont « subi » l'enseignement traditionnel de la philosophie dans les cégeps qui ont voulu abolir deux cours obligatoires avant la réforme Robillard. Et ce sont encore les jeunes, dans les partis politiques, qui remettent en question l'enseignement déconnecté de la réalité de cette discipline. Si l'on se coupe des jeunes et de leurs préoccupations, en se cantonnant sur nos positions traditionnelles de l'importance en soi (ou intrinsèque) de la philosophie, on se coupe de l'avenir.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

En effet! D'autant plus que la meilleure façon de retourner aux classiques est de se plonger à fond dans les enjeux d'aujourd'hui : écologie, psychothérapie, divertissement, immigration, et j'en passe. J'étudie présentement pour être prof et disons que ça effraie un peu ...