lundi 18 avril 2011

Des élèves et des profs (2)

Suite du billet Les élèves

Les profs

Un des problèmes dans l'enseignement provient le plus souvent des enseignants eux-mêmes qui se cachent derrière leurs livres ou leur savoir pour écraser les élèves, dans le pire des cas, ou pour se rassurer et se donner une contenance devant une classe, dans le meilleur des cas.

Combien de fois entends-je des enseignants réciter littéralement leurs notes de cours universitaires, ou en faire des résumés pour les élèves du collégial? Comme si les jeunes étaient de futurs étudiants de leur discipline universitaire.

Évidemment, la perception de ces profs devient un miroir grossissant des manques des élèves qui ne sont pas spécialisés dans leur domaine. Cela est rassurant et tient les étudiants à distance. On peut alors gloser du haut de ses connaissances tout en se justifiant du fossé creusé entre l'enseignant-savant-qui-sait-tout et l'élève-abruti-qui-ne-connaît-rien-et qui-ne-s'intéresse-à-rien.

Un dialogue de sourds s'ensuit. Et l'enseignant questionne la classe silencieuse d'élèves qui ne comprennent rien ou qui ne veulent pas se faire passer des ignorants en répondant à côté de la voix (ou de la voie?) de la connaissance.

Certains enseignants démotivent alors même les plus motivés des élèves. C'est ainsi que l'on entend des enseignants ridiculiser les jeunes en réunion départementale, à la cafétéria, dans les corridors, à la maison, etc. Ils se plaignent que les élèves ne veulent pas apprendre, que les jeunes sont obtus, étroits d'esprit, qu'ils sont des enfants moules, des enfants rois, qu'ils n'ont pas de culture, qu'ils ne veulent rien savoir de rien, qu'ils sont prisonniers de la société de consommation, de la société de la surabondance, etc. Des abrutis contents de l'être.

Et ces enseignants continuent d'enseigner, car ils ne peuvent pas faire autre chose. Ils ont la sécurité d'emploi et ils vont faire leur temps en classe jusqu'à la retraite. Certains vont même le dire à leurs élèves, directement en commençant les cours. « Je ne veux pas être ici devant vous à essayer de vous apprendre des choses que vous ne voulez pas apprendre. On va passer la session en essayant de ne pas se piler sur les pieds, chacun dans son coin. OK? »

Déplorable, vous dites? Inimaginable? Pourtant, ces choses se reproduisent d'année en année. On a l'impression, en entend certains enseignants parler de leurs élèves, qu'ils sont en guerre continuelle avec ces derniers.

La dernière phrase sibylline que j'ai entendue de la part d'enseignants qui s'opposaient à la création d'un stationnement réservé au personnel est la suivante : « nos voitures vont devenir des cibles pour les élèves mécontents qui vont se venger de leur rancune… » Les élèves : des ennemis potentiels.

L'enseignement devient dans leur bouche un acte de luttes, de conflits, d'antagonismes. Alors qu'il peut être l'exact opposé. Un échange. Un dialogue dans lequel l'élève reconnaît les compétences de l'enseignant qui part des acquis de l'élève pour l'amener plus loin, pour le stimuler à apprendre davantage.

dimanche 10 avril 2011

La burqa intérieure

Une belle femme étouffée dans sa burqa intérieure s'est enlevé la vie le 24 septembre 2009. L'expression n'est pas de moi, mais de Nelly Arcan qui disait aussi, pour décrire la prison dorée dans laquelle on enferme les femmes, la burqa de chair. Beauté plastique, chirurgie esthétique, botox, liposuccion, collagène, blanchiment des dents, orthodontie, teinture, maquillage, etc., ce sont des armes qui tuent à petit feu. Pour le plaisir des hommes. J'ai toujours pensé que les belles femmes sont aussi victimes de leur beauté, car elles sont prisonnières de leur image. L'image de la beauté calquée sur le désir masculin. Tout, pour plaire aux hommes. Même si cela veut dire ressembler à de jeunes filles en fleur. Car le désir masculin se dirige tout droit vers la pédophilie, sans le dire. On projette partout l'image de la beauté féminine comme celle d'une jeune fille d'à peine 18 ans.
Les mannequins doivent se soumettre à des régimes alimentaires sévères pour rester, en apparence, jeunes et minces, pour ne pas dire chétives, sans défense. Et les femmes doivent ressembler à ces fillettes, pour suivre la mode.
Tout l'appareillage de la mode inculque le désir malsain de la jeunesse éternelle. Pour les femmes, cela veut dire lutter toute leur vie contre le temps, contre les transformations naturelles du corps féminin qu'on ne veut pas voir. D'où l'expression de Nelly Arcand : de burqa intérieure ou de chair. Cette burqa que doivent porter toutes les femmes pour ne pas être vues. On ne veut voir que la jeune fille, à peine majeure, pour sauver les apparences. Pourtant, il y a quelque chose de maladif dans cette idéalisation de la beauté féminine adolescente. Quelque chose de tyrannique. Quelque chose qui tue.

vendredi 8 avril 2011

Mise en scène du pardon

Ce qui me frappe en lisant les différentes interventions dans l'affaire Cantat, c'est que souvent les sentiments prennent le dessus sur la raison. Ce n'est pas une mauvaise chose nécessairement. Cela me fait réaliser que le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas.
En fait, tout ce débat est sain et les positions opposées qui se manifestent sont en général légitimes. Pourvu que personne n'utilise la violence verbale dans ses propos contre la violence physique qu'elle condamne ou pardonne. Combien de personnes ont crié des noms et jeté des anathèmes contre Cantat et tous ceux qui osaient proposer qu'on pût peut-être lui pardonner?
Sur le plan purement théorique, la question du lien entre la vie et l'œuvre d'un artiste est vraiment intéressante. Jusqu'où allons-nous accepter les comportements déviants d'un artiste pour apprécier son art? Faut-il carrément séparer l'œuvre de son créateur? Voilà des questions importantes qui méritent réflexion, car les réponses qu'on y fera auront des incidences majeures sur l'histoire de l'art et son évolution.
Au-delà de ce questionnement moral et esthétique, il y a le questionnement plus fondamental et personnel encore. Jusqu'où suis-je prêt à accepter qu'un individu qui a commis le crime odieux de battre une femme à mort participe à une activité à laquelle je vais assister? Si cet individu était invité à une soirée, pourrais-je y aller également? Ferais-je simplement semblant de ne rien savoir?
Et si j'assiste à la soirée, cela veut-il dire que je lui pardonne son geste abominable? Pour lui pardonner quoi que ce soit, devrais-je essayer de le comprendre tout d'abord? Devrais-je plutôt refuser dès le départ toute possibilité de rédemption à cet individu? Devrais-je toujours éviter tout contact dans le futur avec des meurtriers, des batteurs de femmes et des violeurs? Pour moi, l'être humain peut-il se racheter un jour? Puis-je lui accorder un pardon du bout des lèvres tout théorique sans que les gestes suivent la parole? Et combien de temps doit durer le purgatoire? Cinq ans, dix ans? Quelles sont les preuves de repentir acceptables pour moi?
Le mérite de la controverse Cantat tient à cette provocation d'une interrogation de notre conduite et de notre attitude envers les humains qui ont commis des fautes graves. Mouawad a déjà mis en scène cette interrogation dans sa pièce Incendies qui porte entre autres sur le pardon d'un geste inexcusable. Dans la fiction, on applaudit les personnages qui sont capables de pardon même à leurs dépens, comme dans L'Obsession, Mystic River, Incendie, etc.
Dans la réalité, suis-je capable de pardonner à quelqu'un qui a commis un geste qui me ferait perdre la raison s'il arrivait à un de mes proches? Puis-je passer l'éponge et aller assister à un spectacle dans lequel un criminel qui a purgé sa peine de prison joue un rôle important?
On peut bien reprocher à Mouawad, Pintal et Cantat leur manque de délicatesse, de repentir, de retenue, mais ils ont au moins le mérite d'avoir mis sur la table un malaise profond chez les êtres humains. On tente par tous les moyens depuis de justifier rationnellement nos pulsions, nos émotions inextricablement mêlées. Ce n'est pas rien.
Finalement, ce qui est bien dans cette controverse, c'est que tout le monde ou presque se sent interpellé. Signe que Mouawad a touché une corde très sensible. Il fait mieux que beaucoup de politiciens, d'artistes, d'intellectuels et d'autres personnalités publiques. Maintenant, c'est à chacun personnellement de trancher le nœud gordien, en son âme et conscience, que Cantat vienne ou non.

samedi 28 mars 2009

Des élèves et des profs

Les élèves

Je n'en reviens pas encore et encore de la qualité des élèves que j'ai devant moi en 2009. Ils sont vifs, intelligents, ouverts sur le monde et aux aguets. Il suffit de maintenir leur intérêt ou de le susciter un peu pour qu'ils en donnent plus que ce que l'on demande.

Par exemple, dans ma classe de philo du mercredi, il y a des élèves qui s'engagent pour des causes environnementales, d'autres qui travaillent pour le bureau de comté du député du coin, d'autres qui œuvrent au sein d'un parti de gauche, d'autres qui s'intéressent aux plus démunis et qui voyagent de par le monde, etc. Et il y a tous les autres qui posent des questions, qui me signalent des films à voir intéressants pour les cours de philo, ou qui lisent des livres hors de leur programme.

Il s'agit simplement d'aller les rejoindre là où ils sont pour que le niveau monte et qu'ils s'impliquent dans le cours. Après trois semaines seulement, ils veulent commencer leurs travaux de recherche de fin de session, ils veulent montrer aux autres et au prof leurs connaissances de certains sujets d'actualité qui les touchent particulièrement.

Bien sûr, le rôle de l'enseignant consiste à lier leurs champs d'intérêt au contenu du cours. Quelquefois, il y a incompatibilité et il faut user de subterfuge. Parler de la morale de Kant en l'illustrant de certaines tueries comme Polytechnique, par exemple. Quelquefois aussi, l'on doit caricaturer un auteur, pour le rendre plus attrayant.

Mais c'est lorsque l'on a touché les champs d'intérêt des élèves que l'on peut aller plus loin avec eux. La semaine dernière, par exemple, des élèves m'ont demandé de parler du divin marquis et de l'auteur de La Vénus à la fourrure, même si ces auteurs n'étaient pas au programme.

(Demain, les profs...)

samedi 14 mars 2009

Un devoir de mémoire

Je viens de voir Polytechnique de Denis Villeneuve. C'est un éloge funèbre sobre, tout en retenue, qui ne tombe pas dans le drame outrancier, ni dans le pathos, ni ne dérive vers une tentative d'explication psychologisante. Il s'agit simplement d'un rappel d'une tragédie qui n'aurait jamais dû avoir lieu, comme tous les drames impliquant des innocents. On devrait écrire en premier lieu des innocentes, car les victimes ont été principalement des femmes, justement parce qu'elles étaient du sexe féminin, donc des cibles pour le forcené.
En toute pertinence, le début du long métrage rappelle la lettre écrite par Marc Lépine juste avant le massacre. Dans cette lettre, qu'on peut trouver un peu partout sur Internet, le tueur s'en prend au féminisme et nomme 19 femmes célèbres qui l'ont échappé belle, parce qu'il n'aura pas eu le temps d'accomplir ses sombres desseins.
Évidemment, la tuerie est le résultat d'un geste fou, d'un amalgame de facteurs divers (le discours antiféministe ambiant, les expériences passées de violence familiale du tueur, les échecs nombreux qui se succédaient dans sa vie professionnelle et amoureuse, etc.) qui ont pris corps dans le cerveau de Lépine. En fait, ces éléments divers ont fait sauter une marmite où bouillonnait du ressentiment envers le monde en général et les femmes en particulier.
Le propos essentiel du film consiste donc en un devoir de mémoire, car on doit se rappeler les victimes directes (les 14 femmes tuées) et indirectes (tous les témoins de près ou de loin, comme les gars qui ont croisé Lépine à Polytechnique) de cette tuerie, ne serait-ce que pour conjurer le sort. En espérant qu'il n'y ait jamais de prochaine fois.

dimanche 8 mars 2009

Femmes de tous les pays unissez-vous!

Bon, j'espère que les femmes célèbrent bien cette journée internationale, car il reste du chemin à faire, comme en témoignent les statistiques dévoilées hier au Québec qui montrent que les femmes reçoivent 23% de salaires de moins que les hommes pour les mêmes emplois requérant les mêmes diplômes. Celles qui n'ont pas complété leur diplôme secondaire font 40% de moins que les hommes dans les mêmes conditions. Imaginons ce que les femmes subissent dans le reste du monde.

En fait, c'est Finkelkraut ou Bruckner qui affirmait que les attentats du 11 septembre 2001 représentaient le début de la troisième guerre mondiale dont l'enjeu principal serait la place et le rôle des femmes sur la planète.

Ici, au Québec, les femmes sont émancipées, mais gagnent moins que les hommes pour les mêmes emplois. Ailleurs, c'est encore souvent l'horreur. Parodions Marx: femmes de tous les pays, unissez-vous! Continuez le combat! Comme pour les propriétaires face aux prolétaires, les hommes ne donneront rien aux femmes à moins qu'elles leur arrachent. L'union fait la force.

Bonne chance!

samedi 7 mars 2009

Le complexe de l'imposteur

J'ai toujours l'impression d'être un imposteur, quelqu'un qui n'est pas à sa place et qui usurpe l'identité que les autres lui accordent.

Ainsi, je suis souvent perçu comme un bon rédacteur. Pourtant, je ne trouve pas que j'écris bien, surtout lorsque je me compare à d'autres blogueurs ou journalistes.

J'envie ceux qui ont des certitudes sur leurs talents. Quand je parle devant une assemblée, il est certain que je vais balbutier ou bégayer. Comme Jean-Jacques Rousseau, auquel je ne me compare aucunement, je perds tous mes moyens devant le regard des autres.

Pourtant, de l'extérieur, plusieurs personnes pourraient penser que j'ai été reconnu souvent dans le passé pour un certain talent d'écriture. Il est vrai que Robert Lévesque m'a engagé en 1986 au Devoir après avoir lu mes articles dans le Contiuum, le journal des étudiantes et des étudiants de l'Université de Montréal. Jean V. Dufresne m'a par la suite offert de tenir quelques chroniques dans Le Plaisir des livres qu'on lançait à l'époque. Par la suite, Jacques Godbout m'a proposé quelques projets d'écriture pour sa maison d'édition Boréal, dont une biographie de Michel Chartrand que je n'ai jamais complétée, à la suite de quelques rencontres avec le coloré syndicaliste.

Sur le plan académique aussi, je devrais me sentir blindé. Lors de l'acceptation de mon mémoire de maîtrise en philosophie, par exemple, on a tenu à souligner la qualité exceptionnelle de l'écriture du document.

Plusieurs années plus tard, c'est André Pratte, l'éditorialiste en chef de La Presse, qui m'a proposé d'écrire une chronique mensuelle pour le quotidien. J'avais remporté trois fois en un peu plus d'un an le titre de la lettre de la semaine des pages Forum.

Finalement, c'est la direction du Collège où j'enseigne maintenant qui m'offre d'écrire des rapports d'évaluation et des programmes pour l'établissement.

Normalement, je devrais être au moins sûr d'une chose : j'écris assez bien pour me faire remarquer et engager dans des projets de rédaction importants.

Néanmoins, le doute persiste. J'écris mal et personne ne s'en aperçoit. Cette phrase est comme un mal de dents lancinant qui taraude l'esprit. Peut-être est-ce cela qui me tient en alerte et me permet d'écrire sans trop me prendre au sérieux?

Reste que j'envie réellement ceux qui sont capables de parler en public sans une onze de gêne, qui rabrouent ceux qui n'écoutent pas lorsqu'ils parlent, qui écrivent sans crainte et qui sont sûrs de leurs capacités.

Le pire, c'est que plus je vieillis, moins je me sens en confiance. Je suis comme Ponce qui écrivait dans Méthode, si je me souviens bien, qu'il donnait toujours raison aux autres aussitôt que l'on objectait quelque chose à ce qu'il disait ou écrivait.

Mettons que j'ai tort et que je n'ai rien dit…

vendredi 6 mars 2009

Revaloriser les enseignants

Êtes-vous un prof prénumérique et mal payé? Si vous répondez oui à ces deux questions, vous risquez de perdre la reconnaissance de vos élèves.

Qu'est-ce qu'un prof prénumérique? Évidemment, si vous n'avez jamais entendu l'expression, c'est déjà un indice que vous l'êtes. Si d'aventure, vous n'avez jamais entendu parler du débat entre les natifs du numérique et les immigrants du numérique, vous êtes fort probablement un prénumérique sans le savoir.

Trêve de plaisanteries, voici un extrait du très beau texte dédramatisant de Jean-François Marchandise intitulé justement Les Prénumériques :

« Les prénumériques regardent l’heure sur une montre, ils trouvent leur chemin sur une carte pliée en accordéon, ils lisent le journal, ils écrivent au stylo. Ils utilisent les cabines téléphoniques publiques, connaissent l’heure des levées quand ils doivent envoyer un courrier important. Ils écoutent la météo sur leur poste de radio, regardent les infos routières à la télévision. Pour préparer leurs vacances, ils vont dans une agence de voyages et ils prennent les dépliants avec les horaires de trains. […]Au travail, quand ils ont besoin de parler à un collègue, ils se lèvent, empruntent le couloir, et passent une tête dans un bureau voisin. Ils font la queue pour payer leurs impôts ou leurs amendes, chéquier en main ou espèces en poche. Quand arrive leur relevé de compte bancaire, ils pointent les dépenses du mois, crayon en main, calculette à portée. Ils prêtent des disques à leurs amis, découpent des articles dans les journaux, photocopient les courriers importants. […] »

C'est en partie cela, un prénumérique, quelqu'un qui est né avant le numérique, avant l'Internet. Idem pour l'immigrant du numérique, alors que le natif est né avec un ordinateur entre les mains et l'Internet au bout du fil.

Un enseignant qui est tout à fait ignorant du monde dans lequel grandissent ses élèves risque de perdre le contact avec ceux-ci. C'est un handicap difficile à surmonter.

Si, de plus, il est mal payé, comme le sont la plupart des enseignants dans le monde, alors, il part avec deux prises contre lui. C'est le constat du grand philosophe Alain Finkielkraut, cité par Laurence Hansen-Love, une enseignante de philosophie et auteure de nombreux manuels : « comment voulez-vous que l'on respecte quelqu'un qui gagne 1500 E par mois? »

On sera toujours le prénumérique de quelqu'un, comme le dit si bien Jean-François Marchandise. Ce n'est pas un drame et ce n'est ni insurmontable. Et l'on sera toujours le pauvre de quelqu'un, aussi. Mais il ne faudrait pas accuser trop de retard sur la société qui évolue à une vitesse grand V sur ces deux aspects de la vie. Sinon, nous risquons de provoquer le mépris de nos élèves au lieu de leur susciter de l'admiration, sinon, du moins, un certain respect. Car la connaissance issue des livres et la finesse de l'esprit du maître à penser ne suffisent plus à imposer le respect et la reconnaissance de la part des jeunes d'aujourd'hui.

mercredi 4 mars 2009

Les trois principaux défis du collégial

L'approche-programme

L'idée est bonne : augmenter le sentiment d'appartenance des élèves au collégial à un programme d'étude afin de favoriser leur réussite. En même temps, viser un profil de sortie semblable qui fournit un objectif commun aux enseignants dans un programme. Sauf qu'en redéfinissant les programmes au local, et en donnant ainsi plus d'autonomie aux collèges, les enseignants croient à tort que leur programme constitue une fin en soi. Ils veulent ainsi tout mettre dans leur programme et augmente sensiblement le nombre d'heures contact, de cours et d'activités de toutes sortes, etc. Ce qui alourdit beaucoup les programmes d'étude des élèves.
Ainsi, en plus de devoir réussir tous leurs cours d'un programme pour obtenir un diplôme, comme dans le bon vieux temps, les élèves d'aujourd'hui doivent également réussir leur épreuve synthèse de programme et l'Épreuve uniforme de français. Plus de cours et plus d'évaluations, pas étonnant qu'il y ait plus d'échecs et d'abandons.

Le zèle des enseignants

Dans chacun des cours d'un programme spécifique et de la formation générale, les enseignants veulent donner des cours significatifs et complets à leurs élèves. Noble intention. Par contre, ils oublient trop souvent qu'un cours n'est qu'une partie d'un tout et que le tout n'est qu'une étape ou une introduction vers la formation universitaire ou un début de carrière. L'approche par compétence fait mal ici, car elle induit l'idée qu'un cours doit aboutir à une compétence définie, pour ne pas dire définitive. Ce qui justifie souvent le zèle des enseignants dans chacun de leurs cours. Résultat encore : plus d'échecs et d'abandons.

Le renouveau technologique

Finalement, le troisième problème résulte d'un manque de flexibilité de la structure de l'institution scolaire. On parle beaucoup du fossé entre les natifs du numérique (les enfants nés avec Internet) et les immigrants du numérique (les adultes qui ont vécu avant Internet). Ce fossé se creuse dans le domaine de l'éducation de l'immobilisme de l'institution scolaire qui transmet un savoir établi, reconnu, fixé dans le temps, pour ne pas dire figé, de manière souvent archaïque, dans une structure datant du XIXe siècle, pour des natifs du numérique qui vivent dans un monde en perpétuel changement où tout est disponible immédiatement au bout des doigts. Le conflit de générations habituel se double ainsi d'un choc de civilisation mal géré par l'institution scolaire qui ne peut suivre le rythme du changement dans la transmission du savoir.
De plus, les enseignants ne suivent pas la parade de la révolution informatique, car ils sont souvent confortablement installés dans leurs certitudes et le savoir acquis de hautes luttes en lisant des heures durant des bouquins qui paraissent dépassés pour les nouvelles générations. Et ceux qui veulent « embarquer » dans la révolution technologique le font de manière gauche pour les natifs du numérique qui en connaissent souvent plus que leurs maîtres dans ces domaines. Finalement, l'institution scolaire bouge lentement et cela demanderait des efforts astronomiques d'investissements pour équiper adéquatement les enseignants, les salles de cours et les élèves.
Il ne faudrait pas négliger dans ce bref portrait de la situation du collégial, la lutte de pouvoir entre les tenants de l'immobilisme qui se targuent d'établir des bases communes et solides du savoir sur les valeurs sûres des connaissances reconnues partout et depuis longtemps et les apôtres de l'évangile du bouleversement cataclysmique que provoquent les nouvelles technologies de l'information et des communications.
Heureusement, il n'y a pas là opposition, mais complémentarité. Pourvu qu'on investisse du temps et de l'argent afin de moderniser les outils pédagogiques.
Voilà où nous en sommes au collégial. Il faudrait alléger la somme de travail des élèves, entrer dans la tête des enseignants que leurs cours ne sont pas des fins en soi, dégraisser les programmes d'étude et investir dans le renouveau technologique en consultant les élèves pour répondre à leurs besoins nouveaux.

mardi 3 mars 2009

L'entraide entre profs

Plusieurs fois depuis le début de la session, des enseignants se sont plaints de ce que les élèves s'absentent régulièrement ou doivent quitter les cours avant la fin d'une période parce qu'un autre enseignant les avait convoqués à une activité ou à une reprise d'une évaluation importante. Dans un corridor, j'ai même entendu un enseignant dire à un élève de venir le voir à son bureau alors que ce dernier se rendait à un cours. L'enseignant a alors rétorqué à l'élève qu'il signerait un billet de justification pour son retard…

Des incidents de ce type se produisent de plus en plus souvent, malheureusement. De plus, certains programmes obligent les élèves à participer à des activités qui empiètent sur l'horaire régulier des autres cours de l'élève : vernissages, journées des affaires, expositions, préparations aux épreuves synthèses, présentations publiques, semaines de ci et de ça, rencontres avec des personnalités, visionnages de films, de pièces de théâtre, etc. Toutes les justifications sont bonnes. Et il est clair que les enseignants qui pèchent ainsi par excès d'initiatives ne le font pas pour nuire aux autres cours, mais en pensant mieux servir leurs intérêts. Pourtant, ce n’est pas le cas, car en agissant ainsi on place très souvent les élèves devant des choix déchirants entre une activité spéciale (et souvent dite obligatoire) et un cours régulier.

Outre que cela a pour effet d'augmenter le taux d'absentéisme, d’abandons et même d'échecs, le message envoyé aux élèves est que certains cours sont plus importants que d'autres. Cette attitude de zèle des enseignants résulte en partie de la structure de l'approche programme qui place par la suite les élèves dans la situation de privilégier les cours de leur programme au détriment des autres, dont évidemment ceux de la formation générale.

À tous ces irritants pour la réussite des élèves s'ajoute un phénomène particulier : plusieurs enseignants se croient seuls au monde et exagèrent quant aux travaux demandés à l'extérieur d'un cours. Ainsi, faut-il le rappeler régulièrement, les heures à consacrer aux travaux à effectuer à la maison dans la pondération des cours représentent un maximum. Un cours qui prescrit une pondération de 3-0-3 devrait demander de consacrer trois heures à l'étude ou au devoir par semaine au maximum pour la très grande majorité des élèves. Pas davantage. Au-delà, ce sont les autres cours des élèves qui seront pénalisés.

Si plusieurs enseignants adoptent une attitude de zèle, les élèves devront faire des choix : abandonner des cours, valoriser certaines matières au détriment d'autres disciplines, bâcler des travaux, s'absenter régulièrement. Bref, par excès de professionnalisme, par bonne volonté, par esprit d'initiative, par souci de couvrir toute la matière, les enseignants se nuisent souvent mutuellement.

Il faudrait que chaque enseignant voie son cours comme une petite partie indispensable à un ensemble. Les heures d'études sont comptées serrées depuis que les révisions de programmes ajoutent des heures de cours et de travaux aux élèves. Ainsi, chaque fois qu'on en demande davantage aux élèves, on leur enlève une partie du temps à consacrer à leurs autres cours.

Si nous ne nous entendons pas entre nous et que chacun des enseignants reste dans sa tour d'ivoire, le taux de décrochage au collégial, qui frise les 50 %, ne cessera pas d'augmenter. À moins qu'un politicien ne vienne sabrer les exigences des études collégiales pour augmenter le taux de diplomation…