Le plus souvent, au Québec, on réserve le nom de professeur aux enseignants d'universités. Ceux qui donnent des cours au collégial se nomment simplement des enseignants. Cela devrait éviter la confusion entre le maître qui professe du haut de son piédestal (c'est une généralisation, évidemment) et le pédagogue qui prend par la main l'élève pour l'amener sur le sentier de la connaissance.
Pourtant, le désordre règne au niveau collégial. Plusieurs enseignants se prennent pour des professeurs d'université, car ils enseignent à un ordre supérieur d'éducation, prétendent-ils. Il est vrai que les cégeps appartiennent à l'enseignement supérieur. On n'a qu'à regarder sur le site du MELS pour le constater. Mais est-ce que cela veut dire que les enseignants du collégial doivent se détacher complètement des besoins et des capacités des élèves qui proviennent de l'enseignement secondaire?
On a souvent parlé d'arrimage pour qualifier les liens qui devraient s'établir entre l'enseignement secondaire et le collégial. Les enseignants du collégial devant tenir compte des acquis et des besoins des élèves issus du secondaire. C'est précisément là que le bât blesse. Plusieurs enseignants du collégial optent pour une attitude de non-compromission, de refus et de replis sur leur position de professeur à l'enseignement supérieur. Ils donnent des cours; ils sont des spécialistes de leur discipline. Ils n'ont pas à fournir d'effort de vulgarisation, car ils trahiraient la matière. De plus, ils préparent les élèves pour l'université. En fait, ils enseignent déjà comme si les élèves étaient à leurs premières années universitaires.
« Que les élèves suivent s'ils le peuvent! C'est à eux seuls qu'incombent tous les efforts, tous les devoirs et toute la responsabilité de leurs apprentissages. Ils se sont inscrits à l'enseignement supérieur après tout! »
Cette attitude idéaliste, élitiste et simpliste s'explique en partie par la formation des enseignants du collégial qui sont des spécialistes dans leur matière, détenant une maîtrise dans leur discipline, mais qui ne possèdent aucune formation en pédagogie pour la plupart. De plus, cette confusion du rôle de l'enseignant se perpétue depuis les origines du collégial qui est un ordre d'enseignement unique au Québec, entre le secondaire et l'université, et de plus bicéphale avec une tête technique préparant au marché du travail et une tête préuniversitaire.
Les enseignants de la formation générale qui donnent des cours à tous les élèves, quel que soit leur programme, se trouvent ainsi coincés entre différentes exigences. Ils doivent tenir compte des besoins des élèves du secteur technique et du secteur préuniversitaire en même temps, en plus de suivre leur propre programme de discipline. Tout cela dans le même cours, avec des élèves provenant de tous les programmes.
Arriver à tenir compte de tous ces facteurs demande beaucoup de doigté et de pédagogie. Or, on l'a dit, certains enseignants résistent à cette exigence fondamentale. Ils sont engagés à titre de spécialistes dans une discipline et ils n'ont pas à faire preuve d'autres capacités que celles qui consistent à transmettre les connaissances spécifiques de leur discipline.
Certains comités de sélection de départements collégiaux engagent même des enseignants en se fiant surtout aux diplômes, aux publications et autres interventions à titre de spécialiste des candidats. Pire, certains départements de la formation générale dans le réseau collégial justifient leurs refus de retenir des candidats potentiels en entrevues de sélection en soulignant que ces futurs enseignants semblent plus intéressés par la pédagogie que par la discipline elle-même. Crime de lèse-majesté à l'égard de la sacro-sainte discipline!
Il y a même des coordonnateurs de départements de la formation générale qui soutiennent que les enseignants n'ont pas à vulgariser la matière en tenant compte des compétences à atteindre, car ce faisant, ils dilueraient l'essence intrinsèque de leur discipline. Par la suite, n'importe qui pourrait enseigner dans la discipline, tellement le contenu serait dissout dans les compétences générales. Résistance et retour à un enseignement d'une discipline repliée sur elle-même deviennent les mots d'ordre de cette attitude malheureusement fort répandue au niveau collégial.
Comment sortir de cette impasse? Peut-être la voie est-elle en train d'être tracée par la formation universitaire. De plus en plus, on voit des programmes de maîtrise qui offrent des cours de pédagogie en enseignement collégial. Les étudiants qui font leur maîtrise peuvent ainsi choisir de s'inscrire à des cours de pédagogie en enseignement collégial et même suivre des stages d'enseignement dans les cégeps.
Il reste à souhaiter que les départements de réseau collégial emboîtent le pas et aient un préjugé favorable envers les futurs candidats qui optent pour la pédagogie au niveau universitaire et qu'ils encouragent cette attitude de mettre l'accent sur la pédagogie plutôt que sur la spécialisation à outrance.
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