samedi 22 novembre 2008

De moins en moins sûr

Je suis de moins en moins sûr de moi et de mes convictions, plus je vieillis. C'est drôle, quand j'étais jeune, je méprisais souvent les autres. À la petite école, je ne comprenais pas le comportement des garçons violents et turbulents. Je préférais le calme et la maturité des fillettes que j'enviais.
Par la suite, au secondaire, je trouvais stupides les élèves récalcitrants qui n'écoutaient pas en classe et ne faisaient pas leurs devoirs. Pire, je les ignorais tellement ils me paraissaient insipides. J'enviais cependant les succès des garçons téméraires qui s'attiraient les regards des jeunes filles.
Au cégep, j'ai commencé à me sentir sérieusement supérieur. Mes notes en sciences et en mathématiques me montaient à la tête. Je regardais de haut les élèves qui peinaient dans leurs études. Premier de classe en sciences pures, je rêvais déjà d'être un astrophysicien de renommée mondiale. Même si j'étais d'une timidité maladive (encore aujourd'hui), je levais le nez sur les élèves de sciences humaines ou de techniques.
À l'université, je me promenais parmi les hommes comme parmi des fragments d'humains, comme dirait Nietzsche. Je savais que j'avais plus d'envergure et de maturité que la majorité de mes congénères. En physique, puis en philosophie, je nageais dans la complaisance et la suffisance d'une prétendue supériorité intellectuelle. Les notes, toujours les notes. Premier de classe, celui qui est cité en exemple par les professeurs et les autres élèves. Cela suffisait à me prendre pour un autre.
Finalement, il y a eu le journalisme. Étudiant, puis professionnel au Devoir. Là, j'étais quelqu'un. À 26 ans, déjà dans les mondanités journalistiques, les lancements de livres, les entrevues avec les plus grandes personnalités du monde artistique, etc. On (Jacques Godbout en tête) me proposait d'écrire des livres, des essais et même une biographie de Michel Chartrand. La belle vie, quoi.
Puis… Puis, il y a eu des épreuves. Des échecs. Des conflits de personnalités. La maladie. Et d'autres projets.
J'ai quitté Le Devoir sur un malentendu syndical et à la suite d'un conflit de personnalités avec le directeur de l'information de l'époque. Je me suis engagé dans la carrière d'enseignant au collégial. J'ai fondé une famille. J'ai vieilli. J'ai été malade. Et j'ai surtout appris beaucoup de choses encore. Évidemment, comme le disait Socrate et comme le chantait Gabin, j'ai surtout compris que je ne savais rien. Je ne savais d'abord rien des autres. Replié sur moi comme une huître.
Je ne savais pas que les autres peuvent être plus importants que soi-même. Je ne savais pas que mes enfants seraient infiniment plus importants que tout le reste. Je n'ai plus peur de mourir ni de ne pas laisser une trace indélébile pour l'humanité, depuis que j'ai eu des enfants. De plus, je juge de moins en moins les autres. Surtout ceux qui n'ont pas les mêmes idées que les miennes sur n'importe quel sujet.
Je ne suis plus sûr de rien. J'enseigne en philosophie, mais les connaissances évoluent plus rapidement que mes pensées. Je perds mes mots de plus en plus souvent. J'oublie des choses. Je ne suis plus le meilleur joueur de tennis de ma ville. Je suis en perte de vitesse.
Pourtant, il y a une chose qui augmente sans cesse. J'aime la vie de plus en plus, même si elle s'égrène dans le sablier de mon temps. Je suis de plus en plus heureux. Je n'ai plus rien à prouver à qui que ce soit. Je laisse le soin aux autres à juger de moi ou des événements. Comme disait je ne sais plus qui : cela m'a pris du temps à devenir jeune. Mettons que je n'ai rien dit.

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