« C'est plein de testostérone ce film-là. » Sous-entendu : yeurk! C'est ainsi qu'une chroniqueuse culturelle discréditait, avec un air entendu, un film qu'elle avait vu la veille. Un seul mot résumait sa pensée : testostérone. L'affaire était classée d'avance. Quand il y a trop de cette hormone masculine, c'est forcément mauvais. Rien de positif ne peut résulter d'une œuvre d'art qui contient de la testostérone, c'est-à-dire de la violence, de la brutalité et de l'agressivité gratuite. Point.
Une autre critique, de théâtre cette fois-là, a déjà dit en ondes que Shakespeare utilisait trop de testostérone à la fin de ses pièces pour provoquer de l'émotion. Ouache! C'est sale, ce procédé qui consiste à accumuler les cadavres en fin de parcours. Une surdose d'hormone masculine condamne à tout jamais le créateur de Roméo et Juliette!
Éliminons la testostérone de la planète et de notre vocabulaire. Il n'y aura plus que de bons sentiments dans les œuvres d'art. (Gide ne sera pas content!) Et pourquoi ne pas castrer les hommes, par la même occasion? Ainsi, on éliminerait une grande quantité d'œuvres déviantes, qui contiennent de la violence, de l'agressivité et de la brutalité.
Ce mot, testostérone, contient maintenant une charge de signification telle qu'il sert à ostraciser tout ce qui choque la bienséance et la rectitude politique ambiante. Pourtant, comme le disait je ne sais plus qui, la création proprement dite n'est-elle pas violence faite au système et à l'ordre établi?
Bien sûr, il y a des manières de faire violence au système et à l'ordre établi à travers des œuvres d'art plus subtiles que d'autres, diront certains. Mais tout balayer du revers de la main, comme on a tendance à faire de plus en plus souvent, en qualifiant une œuvre de trop pleine de testostérone, n'est-ce pas également faire violence à la violence?
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