dimanche 7 décembre 2008

Comment augmenter le taux de décrochage scolaire?

Mario Roy affirmait cet automne dans un éditorial de La Presse que le taux de décrochage au collégial atteignait près de 50 %. Comment est-ce possible, après tous les efforts déployés pour endiguer ce fléau? La recette du décrochage collégial est pourtant bien simple.

Premier ingrédient : des enseignants qui n'ont pas du tout de soucis pédagogiques ni aucune formation en pédagogie. En effet, rares sont les enseignants au collégial qui possèdent une formation en pédagogie. L'apprentissage du métier d'enseignant se fait le plus souvent sur le tas, c'est-à-dire sur le dos des élèves cobayes captifs… Heureusement qu'il y a de plus en plus de programmes de maîtrise à l'université qui offrent des stages en enseignement collégial.

Deuxième ingrédient : des révisions de programmes qui ajoutent des heures de cours et d'études aux élèves. Depuis l'instauration de l'approche programme dans les cégeps, on révise périodiquement les programmes d'études. Ce qui a pour effet pervers de toujours ajouter des heures de cours et d'études aux élèves. On définit les programmes à partir d'un profil de sortie qui, inconsciemment sans doute, induit l'idée que l'enseignement collégial est terminal. Les élèves doivent atteindre des compétences dignes de celles à atteindre dans les programmes d'études universitaires ou après plusieurs années sur le marché du travail. On ne définit plus les études par le minimum d'objectifs à atteindre avant d'aller plus loin à l'université ou sur le marché du travail, mais par un ensemble de compétences terminales. D'où, le besoin d'ajout de cours et d'heures d'études.

Troisième ingrédient : des cours de plus en plus exigeants. Il n'y a plus de cours « faciles » au collégial. Auparavant, avant la réforme Robillard, les élèves pouvaient souffler un peu et se ressourcer dans les cours de théâtre, de poésie, de roman, d'essai, de philosophie et d'éducation physique. Maintenant, les cours de littérature sont devenus des cours de techniques littéraires ou de méthodologie, les cours de philosophie sont de plus en plus techniques dans leurs compétences à atteindre et les cours d'éducation physique deviennent de plus en plus des cours théoriques. Sans compter que les cours complémentaires ont été réduits de quatre à deux. Les élèves n'ont plus d'endroits où souffler un peu ou se ressourcer. Ils doivent gober de la matière partout et en rendre compte dans une série interminable d'épreuves.

Quatrième ingrédient : des examens et des contrôles à répétition. Épreuve uniforme en français, épreuve synthèse de programme, examens d'entrée en français et en anglais, compétences finales dans chaque cours, etc. Auparavant, il suffisait souvent de rédiger un travail de session par cours. Maintenant, tous les cours sont balisés par des plans-cadres qui stipulent un minimum de contrôles à effectuer par session selon des critères de plus en plus précis.

Cinquième ingrédient : des enseignants qui exigent toujours davantage de travail de leurs élèves sans égard à l'ensemble du parcours collégial. Chaque enseignant est roi et maître dans son cours et il croit souvent qu'il est seul au monde. Les élèves n'ont qu'un cours à suivre et doivent tout sacrifier à la seule réussite de ce cours. De plus, les pondérations des cours ne représentent que des minimums pour la majorité des enseignants. Trois heures de théorie et trois heures à la maison d'études ou de devoir ne suffisent pas. L'enseignant en demande davantage.

Sixième ingrédient : des horaires surchargés. Un élève de sciences humaines en première session a 28 heures de cours à son horaire. Si l'on ajoute les heures d'études, cela fait 45 heures de cours et d'études par semaine. Comment les élèves peuvent-ils réussir tous leurs cours dans ce contexte?

Voilà les principaux ingrédients qui me viennent à l'esprit quand je tente d'expliquer le taux hallucinant de décrochage au collégial. Il s'agit d'un problème structurel. À trop vouloir défendre le collégial, le réseau a accouché d'une grenouille qui se prend pour un bœuf. Le réseau collégial ne voulait pas se faire bouffer par le réseau universitaire, alors il a grossi… indéfiniment?

Évidemment, il y a d'autres facteurs qui peuvent contribuer à l'augmentation du décrochage scolaire au niveau collégial. Le travail rémunéré, les divertissements de toutes sortes, l'idéologie anti-intellectuelle, le manque d'effort, etc. Mais ce ne sont que des facteurs secondaires, selon moi.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est bête d'avoir des idées ou des impressions sur quelque chose et de se montrer incapable dans le même temps de trouver les mots juste pour le dire.
Depuis deux ans et demi, je suis une formation technique au collégial, à Montréal. Si je réagis à votre texte, c'est que j'y est reconnu très facilement ce que je vois bien au collège chaque jour, mais que je n'arrive toujours pas à formuler de la bonne manière. J'y ai tout reconnu comme on reconnait facilement sa grand-mère sur une vieille photo.

Ah! Le cégep! Le système comme on dit, la qualité de l'enseignement, le manque d'objectivité et de rigueur intellectuelle dans la matière enseignée. On avait autorisé aux profs d'enseigner - là où c'était possible - ce qu'ils voulaient. Eh, bien! On est servis toute la sainte semaine. Des passes-temps favoris privés et strictement personnels au départ sont devenus matières à enseigner en classe. Et, tout cela, non pas seulement en dépit du bon sens, mais encore au détriment de tout souci de former les citoyen(nes), cadres et acteur(es)à tous les échelons de la construction du Québec de demain, dans ce monde de plus en plus compétitif. J'ignore jusqu'à quel point cela est vrai,certes, mais les spécialistes ne cessent de le clamer haut et fort:l'économie de demain sera basé sur le savoir. Les plus hâtifs diront même qu'on y est déjà. Il n'y a qu'à ouvrir les yeux et regarder. Pourtant l'école, elle, n'en prend pas le chemin. Loin s'en faut. Qu'un élève ne bite pas une matière, c'est de sa faute. Les profs, les hommes surtout (j'en suis un moi-même)l'emportent tous au bal des illuminés. Ils ne doutent ni de leurs aspirations ni de leur(s) méthode(s)d'enseignement. Qu'un cours doive durer 45 heures, tant pis si on a pas pigé au bout de ces 45 heures. Leur serpent de mer: des aides et des soutiens existent (comme le tutorat par les pairs), allez donc les chercher.

Les cours? Quels cours? Des véritables ``shift``de production. Qu'on pose des questions en classe? Vous viendrez me voir à mon bureau, sinon on n'aura pas le temps de terminer aujourd'hui ou bien vous lirez les pages tant à tant chez vous, si vous voulez, votre réponse s'y trouve.

Quand on est au cégep, il est difficile de dire qui châpeaute tout ca ( je ne sais pas le bouton de la cédille de mon clavier. Il n'a que dix boutons qui servent à tout taper. On recule vers le progrès de nos jours).

Où en était-je déjà? Ah, oui! Mais qui gouverne les cégep? Le ministère de L'éducation? Le syndicat des enseignants? Le ou la registraire? Mon prof d'économie m'a dit qu'il ne la connaissait pas. Tout ce qu'il savait, c'est que c'était une dame. Mais, alors, qui vous a recruté?, lui ai-je demandé. ``Ah! Mais, ca fait des années que je suis ici, moi``. Passons.

Vous parliez des profs rois? Le terme est trop faible. Comme vous êtes généreux! Des Dieux ni plus ni moins. Et plus hauts que le ciel, s'il vous plait!

Vous parliez également de la surcharge de travail? Oh, oui! Ce sont même les élèves qui s'enseignent à eux-meme (finirai-je au moins par la trouver, cette putain de cédille?)
Que font les profs pendant ce temps? On va diviser la classe en groupe de tant. J'ai mis une feuille de rendez-vous devant mon bureau. Prenez date et venez me rencontrer pour qu'on regarde ensemble où vous etes rendus. Et qu'on il y a beaucoup d'élèves, cela peut s'étendre sur trois semaines. Moralité: pour lui c'est 3 semaines de gagnées sur les 15 habituelles.

Ah! Les fameuses quinze semaines. Trop courtes pour assimiler certaines matières qu'on affectionne particulièrement (dans mon cas, c'est la stat. Trop longues cependant pour d'autres où une dizaine d'heures à peine suffiraient largement. Et que font les profs lorsqu'ils trouvent que la matière est presque déjà arrivée à son terme? Ou bien ils reprennent le scénario que j'ai raconté ci-haut. Ou bien ils inventent une soi-disant visite chez le dentiste. La veille du jour J, on recoit un message d'annulation de cours sur nos portables via le sacro-saint Bleumanitou.

Vous parliez aussi de la technisation du francais, je crois?(je n'ai plus votre texte sous les yeux). Oh, oui!En effet, qu'y a t-il de commun entre un cours d'Initiation à l'économie et un cours d'Entretien de groupe (focus groupe)? Dans le premier cas un travail de recherche accompagné d'un rapport est sinon inutile, du moins fantaisiste. Dans le deuxième cas il est nécessaire pour ne pas dire indispensable pour mettre les élèves dans l'ambiance d'une véritable entrevue de groupe suivi de projection de film sur un vrai focus groupe pour des raisons pédagogiques. Bon. Je ne vous parle pas des liens qu'ils forcent et trouvent entre des cours qui n'en ont pas forcément.

Un camarade de classe m'a déjà dit que les profs qu'on avait au cégep, le privé n'en voulait pas et que le gouvernement les embauchait à la tonne pour combler les postes au secteur public. Je n'ai sais pas trop pourquoi mais j'ai toujours adoré les hommes ou les femmes qui savaient dire les choses mieux que moi. Celles et ceux qu'on appelle les ``mieux-disant``.
Passons.

Dans mon cas, je suis arrivé dans ma technique le coeur rempli de passion à couper au couteau et le corps obèse d'enthousiasme. Depuis lors, j'ai déchanté. Ma formation ne se donne que dans mon collège partout au Québec. Alors, impossible de changer ni d'école ni de profs. Dans les cours spécifiques, qu'un prof ne te plaise pas dès le premier jour de classe, tu dois le souffrir pendant trois ans pendant trois ans. Et justement cette situation joue entièrement en leur faveur, car en l'absence de tout collège concurrent, les profs ne fournissent aucun effort ni pour s'améliorer ni pour imaginer de méthode d'enseignement plus rapporteur des deux côtés. Or, là où il n'y a pas de concurrence ou de compétition, il n'y a pas de progrès. De la même facon(je n'ai pas encore trouvé la cédille sur mon clavier, je m'en excuse, je suis un puriste de la langue francaise, ma langue d'adoption, même si je fais des fautes moi aussi et que, par dessus le marché, je ne relis jamais mes textes pour corriger d'éventuelles fautes de ceci ou de cela).

Qu'est-ce que je disais déjà? Ah, oui! Je disais que pas de concurrence pas de progrès. Quelqu'un a dit(je ne sais plus qui, je vous l'aurais dit, rassurez-vous, honnêteté intellectuelle oblige!, je cite: ``Là où il n'y a pas de loi, il n'y a pas de péché.

Les profs m'ont tuer. Ils ont tué ma passion dans l'oeuf. Des vrais assasins. Des bandits de grand chemin... J'ai perdu mon orgeuil. On m'avait assuré lors de ma demande d'admission que tous mes profs étaient des professionnels du métier. Je me suis fait avoir quand je vois ce qu'il se passe en classe depuis bientôt trois ans. On m'a abusé, menti, trompé. On s'est moqué de mon avenir et avec lui l'avenir de ce pays (C'est le cas aussi des autres de mes camarades). Je sens humilié, violé dans mon être le plus profond. Oui, je suis un humilié de l'éducation scolaire et collégial. Moi qui jadis tenait le collège en haute estime, j'ai vite déchanté à perte de vue. Chaque jour en classe, je me sens comme du caviar jeté aux pourceaux. Même après trois ans, je n'arrive ni à faire le tour de ma personnalité, ni à saisir mon programme en en tout cohérent ni à le suivre des yeux(tous les profs veulent tout enseigner chacun à sa facon , et les mêmes choses reviennent à chaque session, ce qui non seulement crée un énorme désordre dans l'esprit, mais encore nui à la véritable progression des cours et du programme dans son ensemble. Impossible tout simplement de faire le lien entre les cours, là où un lien existe réellement).

Bon. Il faut que je m'arrête. Je ne suis plus tout jeune, c'est vrai. Et qu'on on approche la quarantaine et qu'on est pas encore au sommet de la hiérarchie sociale, on doit combattre tous les jours dans son à part soi ce terrible sentiment d'avoir manqué sa vie. Et que les femmes ne restent pas longtemps parce que côté matériel, vous n'assurez pas.
Mais quand on ne croit ni en Dieu ni en la vie après la vie comme moi, je préfère me déplacer à pied ou en bus plutôt qu'en voiture ou en moto pour se donner la chance de vivre plus longtemps ( même si cela reste tout de même aléatoire et incertain. Vous ai-je dit que j'adorais la stat?) pour me donner la chance de vivre plus longtemps et de prendre le temps d'apprécier la nature(du moins ce qu'il en reste) ou le béton de nos métropoles).

De plus, pour ce qui est de l'intelligence pratique, je veux dire celle, par exemple, qui consiste à bien s'orienter dans la vie, à fuir les gens insignifiants au moral et à l'intellect, à fuir la prison comme la peste et à tisser des liens humains et fructueux avec les autres ou même d'être capable de bâtir des théories à propos de tout et de discuter avec les autres (les intelligent(es)) de tout sujet ne serait-ce qu'un petit bout, là, je sais me débrouiller un tout petit peu, juste comme ca. D'accord, il faut que je me mette à l'anglais, à l'espagnol et peut-être à l'allemand (l faut que je retrouve aussi ma propre langue maternelle que j'aie perdu à cause du déracinement causé par...). Non pas forcément pour faire comme les autres, mais pour élargir mes horizons.

Voici ma question: quel avenir pour les 17-20 ans à qui on apprend
tout mais qui n'assimilent rien par le trop de surcharge de travail dans ce contexte de de plus en plus de mondialisation et de globalisation des savoirs théoriques et pratiques? Quel avenir pour le Québec de ce cafouillis mondial intellectuel et économique?

D'accord! Sur le plan artistique, on assure un tout petit peu. On pourrait toujours faire plus. On dit que qui peu le plus peut le moins. Je m'amuse parfois à dire le contraire: qui peut le moins peut le plus. Après tout, on commence par voler un oeuf, puis on fini par tuer sa mère, si ce n'est pas un boeuf. Alors, à quand un prix Nobel en ceci ou cela homme ou femme? D'accord! Quelqu'un a déjà avancé que(je ne sais plus qui sinon je vous l'aurai dit)le Québec est trop petit comparativement aux États-Unis et que pour arriver à se faire publier dans les grandes revues scientifiques...D'accord! Ca du sens, pour moi qui adore la stat. Mais en stat aussi, faible probabilité ne rime pas forcément avec impossibilité. Écoutez-vous la météo, des fois? on annonce 70% de probabilité de pluie, le lendemain on sort son parapluie (quand on le retrouve), mais voilà que Dame soleil brille de tous ses feux toute la journée. Un autre jour, on annonce 30 % de probabilité de pluie, on laisse tomber son parapluie(après tout on ne se rappelle plus où on l'a fourré la dernière fois) et on prend une bonne douche froide.

Imaginez aussi si Céline et son mari avaient eu peur du nombre de chanteurs et chanteuses qu'il y a seulement aux États-unis, sans compter ceux qui sont dans le reste du monde. Imaginez également que... Non, mais, vous rigolez? Es-ce la seule raison? Es-ce que nos profs et notre système d'éducation à tous les échelons n'y est vraiment pas pour quelque chose?

Je parlais d'une question, j'en est sorti plusieurs de ma bouche. Veuillez m'en excuser. Mais qu'on badine avec l'école et l'avenir des générations futures comme cà....(Ah! Aidez-moi à retrouver ma cédille, s'il vous plaît, j'ai un clavier Logitech, télécommandé. De nos jours on recule trop vers le progrès).

Plotin a dit…

Wow! Quelle Verve! Quel talent d'écrivain! Vraiment, vous devriez tenir un blogue vous-même pour vous défouler de temps en temps. Je suis sûr que vous auriez beaucoup de lecteurs et de nombreuses réactions. En plus, cela vous permettrait de peaufiner un talent naturel, même si vous dites que le français n'est pas votre langue maternelle.

Quoi qu'il en soit, merci pour vos commentaires. Je vais tenter de répondre à vos questions dans de prochains billets.

Bonne journée.