lundi 8 septembre 2008

Les élèves ignorants?

Encore un discours méprisant sur les jeunes de la part d'un enseignant! C'est désolant. Dans le texte Connaissez-vous Adolf Éclair paru le 2 septembre, Patrick Moreau reprend un propos passéiste et répétitif qui rejoint celui du Frère Untel.
Pour donner plus de poids à ses opinions personnelles condescendantes envers les élèves, l'enseignant de littérature du cégep Ahuntsic utilise un ton sentencieux qui en impose en supposant des consensus là où il n'y en a pas. Selon lui, toutes les personnes sérieuses et intelligentes seraient d'accord avec son constat de la complète déliquescence de la culture des jeunes d'aujourd'hui, sauf les idéologues « jovialisants » du MELS.
Belle argumentation de la part de quelqu'un qui déplore l'échec du monde de l'éducation à fournir les outils essentiels des habiletés intellectuelles! Un appel à la majorité suivi d'une attaque contre la personne lui suffisent pour mettre K.-O. d'entrée de jeu tous les opposants à son opinion personnelle.
Mais qu'en est-il du fond de l'enjeu soulevé par l'auteur? Est-ce que les jeunes sont presque tous des cancres dans toutes les disciplines? Est-ce que l'élitisme remédierait au supposé problème? Est-ce que les démoniaques jeux vidéo seraient à l'origine de l'enfermement intellectuel des jeunes?
Au lieu de s'embourber dans le magma des opinions personnelles, aussi bien répondre par quelques faits.
Dans les années 70, les élèves de cégeps n'avaient pas à subir d'épreuve uniforme de français afin d'obtenir leur diplôme comme aujourd'hui. Dans leur programme d'études, ils ne passaient pas également d'épreuve synthèse de programme. Jusqu'à la Réforme Robillard, en 1994, ils ne suivaient que quatre cours de littérature de trois heures, au lieu de quatre cours de quatre heures comme maintenant.
De plus, bien souvent, les élèves pouvaient donner leurs travaux à des secrétaires, qui non seulement les dactylographiaient, mais aussi les corrigeaient, avant de les remettre à leurs enseignants. Bref, les mesures de suivi et de contrôle étaient minimes dans les cégeps d'alors. Ainsi, combien d'élèves incultes et presque illettrés ont obtenu leur diplôme dans ces belles années? Et ce laxisme continuait à l'université.
Par contre, si l'on veut rester dans le domaine des opinions personnelles, comme l'a fait Patrick Moreau, opposons plutôt nos propres impressions.
J'enseigne au niveau collégial depuis 18 ans, tant en littérature qu'en philosophie. Au contraire de ce qui ressort des propos de mon collègue, je remarque une amélioration de la qualité du français écrit de la plupart des élèves et j'en sais gré aux professeurs du secondaire. De plus, la majorité des jeunes d'aujourd'hui sont plus allumés, plus ouverts sur le monde et plus polis que les premiers élèves que j'ai côtoyés au début de mon enseignement.
Quand je donne aujourd'hui les mêmes exercices que je donnais autrefois, les résultats sont en nette progression. Je peux maintenant confectionner des exercices plus difficiles qu'alors afin d'offrir un défi intéressant aux élèves.
Évidemment, il reste toujours quelques « cancres » en classe, pour reprendre l'expression non péjorative de Daniel Pennac. Et c'est là que réside le danger de la généralisation hâtive qui résulte souvent, comme le dit si bien Pennac, de la collision entre le savoir du professeur et l'ignorance de l'élève.
Tout l'art de l'enseignement consiste justement à comprendre l'ignorance des élèves dans une discipline et à les amener vers le savoir. Pas à les écraser de sa « supériorité » scolaire…