vendredi 16 novembre 2007

Les fautes ne comptent pas!

« Est-ce que les fautes d’orthographe comptent? » Combien de fois ai-je entendu des élèves me poser cette question d’un air candide quand ils répondent à un exercice ou à un examen? Et chaque fois que la réponse confirme leur pire appréhension, leur candeur fait place à de la résignation presque fâchée.

C’est comme si le code orthographique n’avait d’importance que dans les cours de français. En dehors, dans le « vrai monde », la langue de Molière (ou de Tremblay?) est approximative et personne ne s’en offusque. Que ce soit à la radio, à la télévision, à travers les chansons, sur Internet et même quelquefois dans les journaux, le français est souvent galvaudé, rarement châtié. Alors quoi? Pourquoi les professeurs d’autres disciplines devraient-ils faire respecter les règles du code orthographique alors qu’ils ont amplement d’autre matière à transmettre?

On a beau multiplier les interventions de l’État afin de valoriser la qualité du français à l’école, les élèves ont retenu un message inverse une fois rendus au collégial : c’est seulement dans les cours de français, en vue de l’Épreuve uniforme du ministère, que la qualité du français écrit a de l’importance. Pour le reste, on peut faire ce que l’on veut, pourvu qu’on se fasse comprendre, comme lorsqu’on clavarde avec des amis.

À qui la faute alors? Faut-il écrire sans fautes ou sans faute s’exprimer? Comment corriger le tir? Le faut-il?

Par ailleurs, pourquoi le français est-il ainsi associé à la contrainte, à l’épreuve, à l’effort, à l’obligation, tandis que l’anglais est associé aux plaisirs cinématographiques, aux plaisirs musicaux, aux plaisirs ludiques informatisés, aux plaisirs des voyages, etc.?

Doit-on continuer de promouvoir la qualité du français à l’école seulement, et dans les cours de français en particulier? Ou faudrait-il davantage associer la qualité du français au plaisir de lire, d’écrire et de parler dans la société?

En fait, la qualité du français écrit et parlé est-elle une préoccupation strictement scolaire? En faire une question essentiellement pédagogique, n’est-ce pas réduire la dimension du problème, si problème il y a?

Si le français est bafoué à la radio, à la télévision, dans les journaux, dans les revues, à travers les chansons, sur Internet, etc., bref partout dans l’environnement réel dans lequel évoluent les jeunes, comment leur faire comprendre l’importance du bon usage de leur langue?

Si d’aventure leurs propres parents pratiquent une langue approximative, comment leur inculquer le désir de s’exprimer correctement?

On pourra bien écrire des tonnes d’Insolences et de textes d’opinion, on pourra entreprendre toutes les campagnes de promotion et de valorisation de la langue, on pourra changer pour une ixième fois les méthodes d’enseignement, rien n’y fera. Ce sera de l’énergie gaspillée afin de se donner bonne conscience.

Faut-il alors baisser les bras devant l’inéluctable? Ou au contraire, doit-on continuer cette lutte pour le maintien de la qualité de la langue française justement parce que la tendance générale va vers son appauvrissement? Encore faudrait-il prendre conscience qu’on lutte tels des Don Quichotte contre des moulins à vent si l'on se contente des mesures éculées des renforcements strictement pédagogiques.

La bataille pour la qualité de l’expression française se situe dans la rue, sur la voix publique, entre les mains des jeunes qui se promènent avec leurs baladeurs numériques sur les oreilles, qui écoutent de la musique, qui regardent la télévision, qui surfent sur Internet, bref qui sont reliés au monde par divers moyens de communication qui échappent aux institutions.

Cantonner la promotion du français écrit et parlé à l’école seulement, c’est creuser un gouffre entre le quotidien des jeunes et une institution de plus en plus obsolète. Souhaitons que le français fasse un peu l’école buissonnière au lieu de devenir lettres mortes.

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