vendredi 6 mars 2009

Revaloriser les enseignants

Êtes-vous un prof prénumérique et mal payé? Si vous répondez oui à ces deux questions, vous risquez de perdre la reconnaissance de vos élèves.

Qu'est-ce qu'un prof prénumérique? Évidemment, si vous n'avez jamais entendu l'expression, c'est déjà un indice que vous l'êtes. Si d'aventure, vous n'avez jamais entendu parler du débat entre les natifs du numérique et les immigrants du numérique, vous êtes fort probablement un prénumérique sans le savoir.

Trêve de plaisanteries, voici un extrait du très beau texte dédramatisant de Jean-François Marchandise intitulé justement Les Prénumériques :

« Les prénumériques regardent l’heure sur une montre, ils trouvent leur chemin sur une carte pliée en accordéon, ils lisent le journal, ils écrivent au stylo. Ils utilisent les cabines téléphoniques publiques, connaissent l’heure des levées quand ils doivent envoyer un courrier important. Ils écoutent la météo sur leur poste de radio, regardent les infos routières à la télévision. Pour préparer leurs vacances, ils vont dans une agence de voyages et ils prennent les dépliants avec les horaires de trains. […]Au travail, quand ils ont besoin de parler à un collègue, ils se lèvent, empruntent le couloir, et passent une tête dans un bureau voisin. Ils font la queue pour payer leurs impôts ou leurs amendes, chéquier en main ou espèces en poche. Quand arrive leur relevé de compte bancaire, ils pointent les dépenses du mois, crayon en main, calculette à portée. Ils prêtent des disques à leurs amis, découpent des articles dans les journaux, photocopient les courriers importants. […] »

C'est en partie cela, un prénumérique, quelqu'un qui est né avant le numérique, avant l'Internet. Idem pour l'immigrant du numérique, alors que le natif est né avec un ordinateur entre les mains et l'Internet au bout du fil.

Un enseignant qui est tout à fait ignorant du monde dans lequel grandissent ses élèves risque de perdre le contact avec ceux-ci. C'est un handicap difficile à surmonter.

Si, de plus, il est mal payé, comme le sont la plupart des enseignants dans le monde, alors, il part avec deux prises contre lui. C'est le constat du grand philosophe Alain Finkielkraut, cité par Laurence Hansen-Love, une enseignante de philosophie et auteure de nombreux manuels : « comment voulez-vous que l'on respecte quelqu'un qui gagne 1500 E par mois? »

On sera toujours le prénumérique de quelqu'un, comme le dit si bien Jean-François Marchandise. Ce n'est pas un drame et ce n'est ni insurmontable. Et l'on sera toujours le pauvre de quelqu'un, aussi. Mais il ne faudrait pas accuser trop de retard sur la société qui évolue à une vitesse grand V sur ces deux aspects de la vie. Sinon, nous risquons de provoquer le mépris de nos élèves au lieu de leur susciter de l'admiration, sinon, du moins, un certain respect. Car la connaissance issue des livres et la finesse de l'esprit du maître à penser ne suffisent plus à imposer le respect et la reconnaissance de la part des jeunes d'aujourd'hui.

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